Comme on fixe le soleil

« Nous avons été élevés dans l’idée d’une vie courte et colorée. » Alexandra Fuller a grandi en Rhodésie (l’actuel Zimbabwe), dans une ferme. Son enfance a été brutale, marquée par la mort de trois de ses quatre frères et sœurs. Fuller a raconté ces événements dans ses premiers récits, notamment Larmes de pierre.
Des années plus tard, mère divorcée de trois enfants, elle roule en pick-up dans le Wyoming avec son amie Till, lorsqu’elle apprend la mort de Fi, son fils âgé de 21 ans. Aucun avertissement, aucune explication. « Il y a trois jours, je marchais avec lui le long de la rivière Snake. » « Fi est mort et tout ce en quoi je croyais s’est évanoui avec lui. » Lui qui était « si vivant toute sa vie » est parti, la laissant dans « la plus grande solitude [qu’elle avait] jamais connue ».
Elle se met à parler aux oiseaux. La présence de Fi n’est plus dans ce qui reste de lui mais dans le monde naturel. Elle campe près d’un lac, vit dans un wagon à moutons, écrit huit heures par jour. Elle rejette les cendres de son fils dans un ruisseau. De retour à son appartement, elle sombre à nouveau dans la tristesse. « Les gens me disent que je dois m’en remettre. Mes filles ont besoin de moi. Fi aurait voulu que je sois heureuse, disaient-ils, ces mêmes personnes qui m’avaient dit que la mort de leur propre enfant les aurait tuées. »
Elle entreprend un parcours de rémission, se rend dans un « sanctuaire du deuil » au Nouveau-Mexique, effectue une retraite en silence au Canada. A la fin du récit, elle vit dans les Rocheuses, entourée d’élans, d’ours, de serpents et de porcs-épics. Elle n’a pas trouvé Fi, mais un « endroit où s’installer », une sorte d’apaisement dans la nature sauvage, comme les « bras d’un vieil amant ».